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Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/267

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En étudiant le nœud des brides, Jacques venait de constater qu’il y avait dessous, attaché à un velours noir, un gros médaillon d’or ; et il calculait tout.

— Je l’empoignerai au cou de la main gauche, et j’écarterai le médaillon en lui renversant la tête, pour avoir la gorge nue.

Le train s’arrêtait, repartait à chaque minute. De courts tunnels s’étaient succédé, à Courcelles, à Neuilly. Tout à l’heure, une seconde suffirait.

— Vous êtes allée à la mer, cet été ? reprit la vieille dame.

— Oui, en Bretagne, six semaines, au fond d’un trou perdu, un paradis. Puis, nous avons passé septembre dans le Poitou, chez mon beau-père, qui possède par là de grands bois.

— Et ne devez-vous pas vous installer dans le Midi pour l’hiver ?

— Si, nous serons à Cannes vers le 15… La maison est louée. Un bout de jardin délicieux, la mer en face. Nous avons envoyé là-bas quelqu’un qui installe tout, pour nous recevoir… Ce n’est pas que nous soyons frileux, ni l’un ni l’autre ; mais cela est si bon, le soleil !… Puis, nous serons de retour en mars. L’année prochaine, nous resterons à Paris. Dans deux ans, lorsque bébé sera grande fille, nous voyagerons. Est-ce que je sais, moi ! c’est toujours fête !

Elle débordait d’une telle félicité que, cédant à son besoin d’expansion, elle se tourna vers Jacques, vers cet inconnu, pour lui sourire. Dans ce mouvement, le nœud des brides se déplaça, le médaillon s’écarta, le cou apparut, vermeil, avec une fossette légère, que l’ombre dorait.

Les doigts de Jacques s’étaient raidis sur le manche du couteau, pendant qu’il prenait une résolution irrévocable.

— C’est là, à cette place, que je frapperai. Oui, tout à l’heure, sous le tunnel, avant Passy.

Mais, à la station du Trocadéro, un employé monta, qui,