Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/282

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— Tu as fouillé, ose donc dire que tu n’as pas fouillé !… Et tu as tout pris, voleur ! voleur ! voleur !

Sans une parole, il traversa la salle à manger. À la porte seulement, il se retourna, l’enveloppa de son morne regard.

— Fous-moi la paix, hein !

Et il partit, la porte ne claqua même pas. Il ne semblait pas avoir vu, il n’avait fait aucune allusion à cet amant qui était là.

Au bout d’un grand silence, Séverine se tourna vers Jacques.

— Crois-tu !

Celui-ci, qui n’avait pas dit un mot, se leva enfin. Et il donna son opinion.

— C’est un homme fini.

Tous deux en tombèrent d’accord. À leur surprise de l’amant toléré, après l’amant assassiné, succédait un dégoût pour le mari complaisant. Quand un homme en arrive là, il est dans la boue, il peut rouler à tous les ruisseaux.

Dès ce jour, Séverine et Jacques eurent liberté entière. Ils en usèrent sans se soucier davantage de Roubaud. Mais, à présent que le mari ne les inquiétait plus, leur grand souci fut l’espionnage de madame Lebleu, la voisine, toujours aux aguets. Certainement, elle se doutait de quelque chose. Jacques avait beau étouffer le bruit de ses pas, à chacune de ses visites, il voyait la porte d’en face s’entrebâiller imperceptiblement, tandis que, par la fente, un œil le dévisageait.Cela devenait intolérable, il n’osait plus monter ; car, s’il se risquait, on le savait là, une oreille venait se coller à la serrure ; de sorte qu’il n’était pas possible de s’embrasser, ni même de causer librement. Et ce fut alors que Séverine, exaspérée devant ce nouvel obstacle à sa passion, reprit contre les Lebleu son ancienne campagne pour avoir leur logement. Il était notoire