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Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/316

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une illumination subite, elle trouva, arrêta un plan : empêcher simplement l’aiguilleur de remettre l’aiguille sur la voie du Havre, de sorte que l’express irait se briser contre le train de ballast. Cet Ozil, depuis le jour où il s’était rué sur elle, ivre de désir, et où elle lui avait à demi fendu le crâne d’un coup de bâton, elle lui gardait de l’amitié, aimait à lui rendre ainsi des visites imprévues, à travers le tunnel, en chèvre échappée de sa montagne. Ancien militaire, très maigre et peu bavard, tout à la consigne, il n’avait pas encore une négligence à se reprocher, l’œil ouvert de jour et de nuit. Seulement, cette sauvage, qui l’avait battu, forte comme un garçon, lui retournait la chair, rien que d’un appel de son petit doigt. Bien qu’il eût quatorze ans de plus qu’elle, il la voulait, et s’était juré de l’avoir ; en patientant, en étant aimable, puisque la violence n’avait pas réussi. Aussi, cette nuit-là, dans l’ombre, lorsqu’elle s’était approchée de son poste, l’appelant au-dehors, l’avait-il rejointe, oubliant tout. Elle l’étourdissait, l’emmenait vers la campagne, lui contait des histoires compliquées, que sa mère était malade, qu’elle ne resterait pas à la Croix-de-Maufras, si elle la perdait. Son oreille, au loin, guettait le grondement de l’express, quittant Malaunay, s’approchant à toute vapeur. Et, quand elle l’avait senti là, elle s’était retournée, pour voir. Mais elle n’avait pas songé aux nouveaux appareils d’enclenchement : la machine, en s’engageant sur la voie de Dieppe, venait, d’elle-même, de mettre le signal à l’arrêt ; et le mécanicien avait eu le temps d’arrêter, à quelques pas du train de ballast. Ozil, avec le cri d’un homme qui s’éveille sous l’effondrement d’une maison, regagnait son poste en courant ; tandis qu’elle, raidie, immobile, suivait, du fond des ténèbres, la manœuvre nécessitée par l’accident. Deux jours après, l’aiguilleur, déplacé, était venu lui faire ses adieux, ne soupçonnant rien, la suppliant de le rejoindre, dès qu’elle n’aurait plus