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Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/363

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Puis, comme, d’une caresse errante, il lui mettait des baisers au cou, sous le menton, ce fut elle qui reprit son léger murmure.

— Il faudrait qu’il vînt ici… Oui, je pourrais l’appeler, sous un prétexte. Je ne sais pas lequel. Nous verrons plus tard… Alors, n’est-ce pas ? tu l’attendrais, tu te cacherais ; et ça irait tout seul, car on est certain de n’être pas dérangé, ici… Hein ? c’est ça qu’il faut faire.

Docile, tandis que ses lèvres descendaient du menton à la gorge, il se contenta de répondre :

— Oui, oui.

Mais elle, très réfléchie, pesait chaque détail ; et, au fur et à mesure que le plan se développait dans sa tête, elle le discutait et l’améliorait.

— Seulement, mon chéri, ce serait trop bête de ne pas prendre nos précautions. Si nous devions nous faire arrêter le lendemain, j’aimerais mieux rester comme nous sommes… Vois-tu, j’ai lu ça, je ne me rappelle plus où, dans un roman bien sûr ; le mieux serait de faire croire à un suicide… Il est si drôle depuis quelque temps, si détraqué et si sombre, que ça ne surprendrait personne d’apprendre brusquement qu’il est venu ici pour se tuer… Mais, voilà, il s’agirait de trouver le moyen, d’arranger la chose, de façon que l’idée de suicide fût acceptable… N’est-ce pas ?

— Oui, sans doute.

Elle cherchait, suffoquée un peu, parce qu’il lui ramassait la gorge sous ses lèvres, pour la baiser toute.

— Hein ? quelque chose qui cacherait la trace… Dis donc, c’est une idée ! Si, par exemple, il avait ça au cou, nous n’aurions qu’à le prendre et à le porter, à nous deux, là, en travers de la voie. Comprends-tu ? nous lui mettrions le cou sur un rail, de manière à ce que le premier train le décapitât. On pourrait chercher ensuite, quand il