la porte à la fenêtre, passant à chaque tour près du lit, qu’il ne voulait point voir.
Séverine, dans ce lit, où ils s’étaient aimés pendant les heures brûlantes et noires de la nuit précédente, ne bougeait toujours pas. La tête immobile sur l’oreiller, elle le suivait d’un va-et-vient du regard, anxieuse elle aussi, agitée de la crainte que, cette nuit-là encore, il n’osât point. En finir, recommencer, elle ne voulait que cela, au fond de son inconscience de femme d’amour, complaisante à l’homme, toute à celui qui la tenait, sans cœur pour l’autre qu’elle n’avait jamais désiré. On s’en débarrassait, puisqu’il gênait, rien n’était plus naturel ; et elle devait réfléchir, pour s’émouvoir de l’abomination du crime : dès que l’image du sang, des complications horribles s’effaçait de nouveau, elle retombait à son calme souriant, avec son visage d’innocence, tendre et docile. Cependant, elle, qui croyait bien connaître Jacques, s’étonnait. Il avait sa tête ronde de beau garçon, ses cheveux frisés, ses moustaches très noires, ses yeux bruns diamantés d’or ; mais sa mâchoire inférieure avançait tellement, dans une sorte de coup de gueule, qu’il s’en trouvait défiguré. En passant près d’elle, il venait de la regarder, comme malgré lui, et l’éclat de ses yeux s’était terni d’une fumée rousse, tandis qu’il se rejetait en arrière, d’un recul de tout son corps. Qu’avait-il donc à l’éviter ? Était-ce que son courage, une fois de plus, l’abandonnait ? Depuis quelque temps, dans l’ignorance du continuel danger de mort où elle était avec lui, elle expliquait la peur sans cause, instinctive, qu’elle éprouvait, par le pressentiment d’une rupture prochaine. Brusquement, elle eut la conviction que, si, tout à l’heure, il ne pouvait frapper, il fuirait pour ne plus jamais revenir. Alors, elle décida qu’il tuerait, qu’elle saurait lui en donner la force, s’il en était besoin. À ce moment, un nouveau train passait, un train de marchandises interminable, dont la queue de wagons