Aller au contenu

Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/377

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

brûler, là-haut, lui serraient le cœur d’une angoisse croissante.

Enfin, Cabuche se décida, monta à tâtons. Devant la porte de la chambre, laissée ouverte elle aussi, il s’arrêta de nouveau. Dans la clarté tranquille, il lui semblait voir de loin un tas de jupons, devant le lit. Sans doute Séverine était déshabillée. Doucement, il appela, pris de trouble, les veines battant à grands coups. Puis, il aperçut le sang, il comprit, s’élança, avec un terrible cri qui sortait de son cœur déchiré. Mon Dieu ! c’était elle, assassinée, jetée là, dans sa nudité pitoyable. Il crut qu’elle râlait encore, il avait un tel désespoir, une honte si douloureuse, à la voir agoniser toute nue, qu’il la saisit d’un élan fraternel, à pleins bras, la souleva, la posa sur le lit dont il rejeta le drap, pour la couvrir. Mais dans cette étreinte, l’unique tendresse entre eux, il s’était couvert de sang, les deux mains, la poitrine. Il ruisselait de son sang. Et, à cette minute, il vit que Roubaud et Misard étaient là. Ils venaient, eux également, de se décider à monter, en trouvant toutes les portes ouvertes. Le mari arrivait en retard, pour s’être arrêté à causer avec le garde-barrière, qui l’avait ensuite accompagné, en continuant la conversation. Tous deux, stupides, regardaient Cabuche, dont les mains saignaient comme celles d’un boucher.

— Le même coup que pour le président, finit par dire Misard, en examinant la blessure.

Roubaud hocha la tête sans répondre, sans pouvoir détacher ses regards de Séverine, de ce masque d’abominable terreur, les cheveux noirs dressés sur le front, les yeux bleus démesurément élargis, qui demandaient pourquoi.