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Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/397

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Vous, monsieur le secrétaire général, qui avez classé ces papiers, vous l’auriez trouvée, n’est-ce pas ?

M. Camy-Lamotte ne répondit point. C’était vrai, le scandale allait être enterré enfin, avec le système du juge : personne ne croirait Roubaud, la mémoire du président serait lavée des soupçons abominables, l’empire bénéficierait de cette réhabilitation tapageuse d’une de ses créatures. Et, d’ailleurs, puisque ce Roubaud se reconnaissait coupable, qu’importait à l’idée de justice qu’il fût condamné pour une version ou pour l’autre ! Il y avait bien Cabuche ; mais, si celui-ci n’avait pas trempé dans le premier meurtre, il semblait être réellement l’auteur du second. Puis, mon Dieu ! la justice, quelle illusion dernière ! Vouloir être juste, n’était-ce pas un leurre, quand la vérité est si obstruée de broussailles ? Il valait mieux être sage, étayer d’un coup d’épaule cette société finissante qui menaçait ruine.

— N’est-ce pas ? répéta M. Denizet, vous ne l’avez pas trouvée, cette lettre ?

De nouveau, M. Camy-Lamotte leva les yeux sur lui ; et tranquillement, seul maître de la situation, prenant pour sa conscience le remords qui avait inquiété l’empereur, il répondit :

— Je n’ai absolument rien trouvé.

Ensuite, souriant, très aimable, il combla le juge d’éloges. À peine un pli léger des lèvres indiquait-il une invincible ironie. Jamais une instruction n’avait été menée avec tant de pénétration ; et, c’était chose décidée en haut lieu, on l’appellerait comme conseiller à Paris, après les vacances. Il le reconduisit ainsi jusque sur le palier.

— Vous seul avez vu clair, c’est vraiment admirable… Et, du moment que la vérité parle, il n’y a rien qui la puisse arrêter, ni l’intérêt des personnes, ni même la raison d’État… Marchez, que l’affaire suive son cours, quelles qu’en soient les conséquences.