Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/407

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retournée, et un homme, dont je n’ai aperçu que le dos, a filé au milieu de la foule…

Le mécanicien l’interrompit, en haussant les épaules.

— Pecqueux est à Paris, en train de nocer, trop heureux des vacances que mon congé lui procure.

— C’est possible… N’importe, méfions-nous, car c’est bien la plus sale rosse, quand il rage.

Elle se pressa contre lui, elle ajouta, avec un coup d’œil en arrière :

— Et celui-là qui nous suit, tu le connais ?

— Oui, ne t’inquiète pas… Il a peut-être bien quelque chose à me demander.

C’était Misard, qui, en effet, depuis la rue des Juifs, les accompagnait à distance. Il avait déposé, lui aussi, d’un air ensommeillé ; et il était resté, rôdant autour de Jacques, sans se résoudre à lui poser une question, qu’il avait visiblement sur les lèvres. Lorsque le couple eut disparu dans l’auberge, il y entra à son tour, il se fit servir un verre de vin.

— Tiens, c’est vous, Misard ! s’écria le mécanicien. Et, avec votre nouvelle femme, ça va ?

— Oui, oui, grogna le stationnaire. Ah ! la bougresse, elle m’a bien fichu dedans. Hein ? je vous ai conté ça, à mon autre voyage ici.

Jacques s’égayait beaucoup de cette histoire. La Ducloux, l’ancienne servante louche que Misard avait prise pour garder la barrière, s’était vite aperçue, à le voir fouiller les coins, qu’il devait chercher un magot, caché par sa défunte ; et une idée de génie lui était venue, pour se faire épouser, celle de lui laisser entendre, par des réticences, par de petits rires, qu’elle l’avait trouvé, elle. D’abord, il avait failli l’étrangler ; puis, songeant que les mille francs lui échapperaient encore, s’il la supprimait comme l’autre, avant de les avoir, il était devenu très câlin, très gentil ; mais elle le repoussait, elle ne voulait même plus qu’il la