Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/408

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touchât : non, non, quand elle serait sa femme, il aurait tout, elle et l’argent en plus. Et il l’avait épousée, et elle s’était moquée, en le traitant de trop bête, croyant tout ce qu’on lui racontait. Le beau, c’était que, mise au courant, s’allumant elle-même à la contagion de sa fièvre, elle cherchait désormais avec lui, aussi enragée. Ah ! ces mille francs introuvables, ils les dénicheraient bien un jour, maintenant qu’ils étaient deux ! Ils cherchaient, ils cherchaient.

— Alors, toujours rien ? demanda Jacques goguenard. Elle ne vous aide donc pas, la Ducloux ?

Misard le regarda fixement ; et il parla enfin.

— Vous savez où ils sont, dites-le-moi.

Mais le mécanicien se fâchait.

— Je ne sais rien du tout, tante Phasie ne m’a rien donné, vous n’allez pas m’accuser de vol, peut-être !

— Oh ! elle ne vous a rien donné : ça, c’est bien sûr… Vous voyez que j’en suis malade. Si vous savez où ils sont, dites-le-moi.

— Eh ! allez vous faire fiche ! Prenez garde que je ne cause trop… Voyez donc dans la boîte à sel, s’ils y sont.

Blême, les yeux ardents, Misard continuait à le regarder.

Il eut comme une brusque illumination.

— Dans la boîte à sel, tiens ! c’est vrai. Il y a, sous le tiroir, une cachette où je n’ai pas fouillé.

Et il se hâta de payer son verre de vin, et il courut au chemin de fer, voir s’il pourrait encore prendre le train de sept heures dix. Là-bas, dans la petite maison basse, éternellement il chercherait.

Le soir, après le dîner, en attendant le train de minuit cinquante, Philomène voulut emmener Jacques, par des ruelles noires, jusqu’à la campagne prochaine. Il faisait très lourd, une nuit de juillet, ardente et sans lune, qui lui gonflait la gorge de gros soupirs, presque pendue à son cou. Deux fois, ayant cru entendre des pas derrière eux,