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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/100

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LES ROUGON-MACQUART.

Il faudrait, pour conduire à bien une telle œuvre, un cœur maternel, chaud, tout dévoué.

Marthe baissait la tête, regardait Désirée endormie à son côté, sentait des larmes au bord de ses paupières. Elle s’informait des démarches à faire, des frais d’établissement, des dépenses annuelles.

— Voulez-vous m’aider ? demanda-t-elle un soir brusquement au prêtre.

L’abbé Faujas, gravement, lui prit une main, qu’il garda un instant dans la sienne, en murmurant qu’elle avait une des plus belles âmes qu’il eût encore rencontrées. Il acceptait, mais il comptait absolument sur elle ; lui, pouvait bien peu. C’était elle qui trouverait dans la ville des dames pour former un comité, qui réunirait les souscriptions, qui se chargerait, en un mot, des détails si délicats, si laborieux d’un appel à la charité publique. Et il lui donna un rendez-vous dès le lendemain, à Saint-Saturnin, pour la mettre en rapport avec l’architecte du diocèse, qui pourrait, beaucoup mieux que lui, la renseigner sur les dépenses.

Ce soir-là, en se couchant, Mouret était fort gai. Il n’avait pas laissé prendre une partie à madame Faujas.

— Tu as l’air tout heureux, ma bonne, dit-il à sa femme. Hein ! tu as vu comme je lui ai flanqué sa quinte par terre ? Elle en était retournée, la vieille !

Et, comme Marthe sortait d’une armoire une robe de soie, il lui demanda avec surprise si elle comptait sortir le lendemain. Il n’avait rien entendu, en bas.

— Oui, répondit-elle, j’ai des courses ; j’ai un rendez-vous à l’église, avec l’abbé Faujas, pour des choses que je te dirai.

Il resta planté devant elle, stupéfait, la regardant, pour voir si elle ne se moquait pas de lui. Puis, sans se fâcher, de son air goguenard :

— Tiens, tiens, murmura-t-il, je n’avais pas vu ça. Voilà que tu donnes dans la calotte, maintenant.