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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

fusée d’or de quelque étoile filante. Elle souriait, la tête un peu renversée, regardant le ciel.

— Encore une âme du purgatoire qui entre au paradis, murmurait-elle.

Puis, le prêtre restant silencieux, elle ajoutait :

— Ce sont de charmantes croyances, toutes ces naïvetés… On devrait rester petite fille, monsieur l’abbé.

Maintenant, le soir, elle ne raccommodait plus le linge de la famille. Il aurait fallu allumer une lampe sur la terrasse, et elle préférait cette ombre, cette nuit tiède, au fond de laquelle elle se trouvait bien. D’ailleurs, elle sortait presque tous les jours, ce qui la fatiguait beaucoup. Après le dîner, elle n’avait pas même le courage de prendre une aiguille. Il fallut que Rose se mît à raccommoder le linge, Mouret s’étant plaint que toutes ses chaussettes étaient percées.

À la vérité, Marthe était très occupée. Outre les séances du comité, qu’elle présidait, elle avait une foule de soucis, les visites à faire, les surveillances à exercer. Elle se déchargeait bien sur madame Paloque des écritures et des menus soins ; mais elle éprouvait une telle fièvre de voir enfin l’œuvre fonctionner, qu’elle allait au faubourg jusqu’à trois fois par semaine, pour s’assurer du zèle des ouvriers. Comme les choses lui semblaient toujours marcher trop lentement, elle accourait à Saint-Saturnin, en quête de l’architecte, le grondant, le suppliant de ne pas abandonner ses hommes, jalouse même des travaux qu’il exécutait là, trouvant que la réparation de la chapelle avançait beaucoup plus vite. M. Lieutaud souriait, en lui affirmant que tout serait terminé à l’époque convenue.

L’abbé Faujas déclarait, lui aussi, que rien ne marchait. Il la poussait à ne pas laisser une minute de répit à l’architecte. Alors, Marthe finit par venir tous les jours à Saint-Saturnin. Elle y entrait, la tête pleine de chiffres, préoccupée de murs à abattre et à reconstruire. Le froid de l’église