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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/132

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LES ROUGON-MACQUART.

reprises, avaient bouleversé les plans de M. Lieutaud par des idées à elles. Lorsque le comité prit possession de l’établissement, elles récompensèrent l’architecte de sa complaisance par les éloges les plus aimables. Tout leur parut convenable : vastes salles, dégagements excellents, cour plantée d’arbres et ornée de deux petites fontaines. Madame de Condamin fut charmée de la façade, une de ses idées. Au-dessus de la porte, sur une plaque de marbre noir, les mots : Œuvre de la Vierge, étaient gravés en lettres d’or.

L’inauguration donna lieu à une fête très-touchante. L’évêque en personne, avec le chapitre, vint installer les sœurs de Saint-Joseph, qui étaient autorisées à desservir l’établissement. On avait réuni une cinquantaine de filles de huit à quinze ans, ramassées dans les rues du vieux quartier. Les parents, pour les faire admettre, avaient eu simplement à déclarer que leurs occupations les forçaient à s’absenter de chez eux la journée entière. M. Delangre prononça un discours très-applaudi ; il expliqua longuement, en style noble, cette crèche d’un nouveau genre ; il l’appela « l’école des bonnes mœurs et du travail, où de jeunes et intéressantes créatures allaient échapper aux tentations mauvaises. » On remarqua beaucoup, vers la fin du discours, une délicate allusion au véritable auteur de l’œuvre, à l’abbé Faujas. Il était là, mêlé aux autres prêtres. Il resta paisible, avec sa belle face grave, lorsque tous les yeux se tournèrent vers lui. Marthe avait rougi, sur l’estrade où elle siégeait, au milieu des dames patronnesses.

Quand la cérémonie fut terminée, l’évêque voulut visiter la maison dans ses moindres détails. Malgré la mauvaise humeur évidente de l’abbé Fenil, il fit appeler l’abbé Faujas, dont les grands yeux noirs ne l’avaient pas quitté un seul instant, et le pria de vouloir bien l’accompagner, en ajoutant tout haut, avec un sourire, qu’il ne pouvait certainement choisir un guide mieux renseigné. Le mot courut