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LES ROUGON-MACQUART.

— Allons, mes enfants, il faut monter… Laissons madame aller à ses affaires.

Mais les Trouche semblèrent ne pas entendre. Ils étaient bien dans le vestibule ; ils regardaient autour d’eux, d’un air ravi, comme si on leur eût fait cadeau de la maison.

— C’est très-gentil, très-gentil, murmura Olympe, n’est-ce pas, Honoré ? D’après les lettres d’Ovide, nous ne pensions pas que cela fût si gentil. Je te le disais : « Il faut aller là-bas, nous serons mieux, je me porterai mieux… » Hein ! j’avais raison.

— Oui, oui, on doit être très à son aise, dit Trouche entre ses dents… Et le jardin est assez grand, je crois.

Puis, s’adressant à Mouret :

— Monsieur, est-ce que vous permettez à vos locataires de se promener dans le jardin ?

Mouret n’eut pas le temps de répondre. L’abbé Faujas, qui était descendu, cria d’une voix tonnante :

— Eh bien ! Trouche ? Eh bien ! Olympe ?

Ils se tournèrent. Lorsqu’ils le virent debout sur une marche, formidable de colère, ils se firent tout petits, ils le suivirent, en baissant l’échine. Lui, monta devant eux, sans ajouter une parole, sans même paraître s’apercevoir que les Mouret étaient là, qui regardaient ce singulier défilé. Madame Faujas, pour arranger les choses, sourit à Marthe, en fermant le cortége. Mais, quand celle-ci fut sortie, et que Mouret se trouva seul, il resta un instant dans le vestibule. En haut, au second étage, les portes claquaient avec violence. Il y eut des éclats de voix, puis un silence de mort régna.

— Est-ce qu’il les a mis au cachot ? dit-il en riant. N’importe, c’est une sale famille.

Dès le lendemain, Trouche, habillé convenablement, tout en noir, rasé, ses rares cheveux ramenés soigneusement sur les tempes, fut présenté par l’abbé Faujas à Marthe et