vessies pour des lanternes, l’abbé ! C’est clair, il tremble que les gueux qu’il a recueillis chez lui ne lui jouent quelque mauvais tour… Tu as vu, ce soir, comme il a fait le pion, lorsqu’il les a aperçus à la fenêtre. Ils étaient là à nous espionner. Tout cela finira mal.
Marthe vivait dans une grande douceur. Elle n’entendait plus les criailleries de Mouret. Les approches de la foi étaient pour elle une jouissance exquise ; elle glissait à la dévotion, lentement, sans secousse ; elle s’y berçait, s’y endormait. L’abbé Faujas évitait toujours de lui parler de Dieu ; il restait son ami, ne la charmait que par sa gravité, par cette vague odeur d’encens qui se dégageait de sa soutane. À deux ou trois reprises, seule avec lui, elle avait de nouveau éclaté en sanglots nerveux, sans savoir pourquoi, ayant du bonheur à pleurer ainsi. Chaque fois, il s’était contenté de lui prendre les mains, silencieux, la calmant de son regard tranquille et puissant. Quand elle voulait lui parler de ses tristesses sans cause, de ses secrètes joies, de ses besoins d’être guidée, il la faisait taire en souriant ; il disait que ces choses ne le regardaient point, qu’il fallait en parler à l’abbé Bourrette. Alors elle gardait tout en elle, elle demeurait frissonnante. Et lui, prenait une hauteur plus grande, se mettait hors de sa portée, comme un dieu aux pieds duquel elle finissait par agenouiller son âme.
Les grosses occupations de Marthe, maintenant, étaient les messes et les exercices religieux auxquels elle assistait. Elle se trouvait bien, dans la vaste nef de Saint-Saturnin ; elle y goûtait plus parfaitement ce repos tout physique qu’elle cherchait. Quand elle était là, elle oubliait tout ; c’était comme une fenêtre immense ouverte sur une autre vie, une vie large, infinie, pleine d’une émotion qui l’emplissait et lui suffisait. Mais elle avait encore peur de l’église ; elle y venait avec une pudeur inquiète, une honte qui instinctivement lui faisait jeter un regard derrière elle, lorsqu’elle