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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/144

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LES ROUGON-MACQUART.

poussait la porte, pour voir si personne n’était là, à la regarder entrer. Puis, elle s’abandonnait, tout s’attendrissait, jusqu’à cette voix grasse de l’abbé Bourrette qui, après l’avoir confessée, la tenait parfois agenouillée encore pendant quelques minutes, à lui parler des dîners de madame Rastoil ou de la dernière soirée des Rougon.

Marthe, souvent, rentrait accablée. La religion la brisait. Rose était devenue toute-puissante au logis. Elle bousculait Mouret, le grondait, parce qu’il salissait trop de linge, le faisait manger quand le dîner était prêt. Elle entreprit même de travailler à son salut.

— Madame a bien raison de vivre en chrétienne, lui disait-elle. Vous serez damné, vous, monsieur, et ce sera bien fait, parce qu’au fond vous n’êtes pas bon ; non, vous n’êtes pas bon !… Vous devriez la conduire à la messe, dimanche prochain.

Mouret haussait les épaules. Il laissait les choses aller, se mettant lui-même au ménage, donnant un coup de balai, quand la salle à manger lui paraissait trop sale. Les enfants l’inquiétaient davantage. Pendant les vacances, la mère n’étant presque jamais là, Désirée et Octave, qui avait encore échoué aux examens du baccalauréat, bouleversèrent la maison ; Serge fut souffrant, garda le lit, resta des journées entières à lire dans sa chambre. Il était devenu le préféré de l’abbé Faujas, qui lui prêtait des livres. Mouret passa deux mois abominables, ne sachant comment guider ce petit monde ; Octave particulièrement le rendait fou. Il ne voulut pas attendre la rentrée, il décida que l’enfant ne retournerait plus au collége, qu’on le placerait dans une maison de commerce de Marseille.

— Puisque tu ne veux plus veiller sur eux, dit-il à Marthe, il faut bien que je les case quelque part… Moi, je suis à bout, je préfère les flanquer à la porte. Tant pis, si tu en souffres !… D’abord, Octave est insupportable. Jamais il ne