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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/156

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LES ROUGON-MACQUART.

dangereux, on le renie jusqu’au jour du triomphe… Aidez-moi à réussir, Monseigneur, vous verrez que j’ai des amis à Paris.

Puis, comme l’évêque, surpris de cette figure d’aventurier énergique qui venait de se dresser devant lui, continuait à le regarder silencieusement, il redevint souple ; il reprit :

— Ce sont des suppositions, je veux dire que j’ai beaucoup à me faire pardonner. Mes amis attendent, pour vous remercier, que ma situation soit complètement assise.

Monseigneur Rousselot resta muet un instant encore. C’était une nature très-fine, ayant appris le vice humain dans les livres. Il avait conscience de sa grande faiblesse, il en était même un peu honteux ; mais il se consolait, en jugeant les hommes pour ce qu’ils valaient. Dans sa vie d’épicurien lettré, il y avait, par instants, une profonde moquerie des ambitieux qui l’entouraient en se disputant les lambeaux de son pouvoir.

— Allons, dit-il en souriant, vous êtes un homme tenace, cher monsieur Faujas. Puisque je vous ai fait une promesse, je la tiendrai… Il y a six mois, je l’avoue, j’aurais eu peur de soulever tout Plassans contre moi ; mais vous avez su vous faire aimer, les dames de la ville me parlent souvent de vous avec de grands éloges. En vous donnant la cure de Saint-Saturnin, je paye la dette de l’œuvre de la Vierge.

L’évêque avait retrouvé son amabilité enjouée, ses manières exquises de prélat charmant. L’abbé Surin, à ce moment, passa sa jolie tête dans l’entre-bâillement de la porte.

— Non, mon enfant, dit l’évêque, je ne vous dicterai pas cette lettre… Je n’ai plus besoin de vous. Vous pouvez vous retirer.

— Monsieur l’abbé Fenil est là, murmura le jeune prêtre.

— Ah ! bien, qu’il attende.

Monseigneur Rousselot avait eu un léger tressaillement ;