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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/183

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Que font-ils donc ? pensait-il. Le petit est sauvé, pourtant ; ils ne lui donnent pas l’extrême-onction.

Serge lui-même l’inquiétait. Il ressemblait à une fille, dans ses linges blancs. Ses yeux s’étaient agrandis ; son sourire était une extase douce des lèvres, qu’il gardait même au milieu des plus cruelles souffrances. Mouret n’osait plus parler de Paris, tant le cher malade lui paraissait féminin et pudique.

Une après-midi, il était monté en étouffant le bruit de ses pas. Par la porte entre-bâillée, il aperçut Serge au soleil, dans un fauteuil. Le jeune homme pleurait, les yeux au ciel, tandis que sa mère, devant lui, sanglotait également. Ils se tournèrent tous les deux au bruit de la porte, sans essuyer leurs larmes. Et, tout de suite, de sa voix faible de convalescent :

— Mon père, dit Serge, j’ai une grâce à vous demander. Ma mère prétend que vous vous fâcherez, que vous me refuserez une autorisation qui me comblerait de joie… Je voudrais entrer au séminaire.

Il avait joint les mains avec une sorte de dévotion fiévreuse.

— Toi ! toi ! murmura Mouret.

Et il regarda Marthe qui détournait la tête. Il n’ajouta rien, alla à la fenêtre, revint s’asseoir au pied du lit, machinalement, comme assommé sous le coup.

— Mon père, reprit Serge au bout d’un long silence, j’ai vu Dieu, si près de la mort ; j’ai juré d’être à lui. Je vous assure que toute ma joie est là. Croyez-moi, ne me désolez point.

Mouret, la face morne, les yeux à terre, ne prononçait toujours pas une parole. Il fit un geste de suprême découragement, en murmurant :

— Si j’avais le moindre courage, je mettrais deux chemises dans un mouchoir et je m’en irais.