vêtu d’une façon cossue et douillette. Lui, devait rêver la lutte à poings fermés, les bras nus, sans souci du haillon. Mais, lorsqu’il se négligeait, le moindre reproche de la vieille madame Rougon le tirait de son abandon ; il souriait, il allait acheter des bas de soie, un chapeau, une ceinture neuve. Il usait beaucoup, son grand corps faisait tout craquer.
Depuis la fondation de l’œuvre de la Vierge, toutes les femmes étaient pour lui ; elles le défendaient contre les vilaines histoires qui couraient encore parfois, sans qu’on pût en deviner nettement la source. Elles le trouvaient bien un peu rude par moments ; mais cette brutalité ne leur déplaisait pas, surtout dans le confessionnal, où elles aimaient à sentir cette main de fer s’abattre sur leur nuque.
— Ma chère, dit un jour madame de Condamin à Marthe, il m’a grondée hier. Je crois qu’il m’aurait battue, s’il n’y avait pas eu une planche entre nous… Ah ! il n’est pas toujours commode !
Et elle eut un petit rire, jouissant encore de cette querelle avec son directeur. Il faut dire que madame de Condamin avait cru remarquer la pâleur de Marthe, quand elle lui faisait certaines confidences sur la façon dont l’abbé Faujas confessait ; elle devinait sa jalousie, elle prenait un méchant plaisir à la torturer, en redoublant de détails intimes.
Lorsque l’abbé Faujas eut créé le cercle de la Jeunesse, il se fit bon enfant ; ce fut comme une nouvelle incarnation. Sous l’effort de la volonté, sa nature sévère se pliait ainsi qu’une cire molle. Il laissa conter la part qu’il avait prise à l’ouverture du cercle, il devint l’ami de tous les jeunes gens de la ville, se surveillant davantage, sachant que les collégiens échappés n’ont pas le goût des femmes pour les brutalités. Il faillit se fâcher avec le fils Rastoil, dont il menaça de tirer les oreilles, à propos d’une altercation sur le règlement intérieur du cercle ; mais, avec un empire surprenant