je n’en suis pas assez sûr, je les laisse se détruire, en attendant. Quand l’un aura achevé l’autre, nous le saurons bien… Tiens, lis-moi la troisième ode d’Horace : il y a là un vers que je crains d’avoir mal traduit.
Le mardi qui suivit la procession générale, le temps était superbe. Des rires venaient du jardin des Rastoil et du jardin de la sous-préfecture. Il y avait là, des deux côtés, nombreuse société sous les arbres. Dans le jardin des Mouret, l’abbé Faujas, à son habitude, lisait son bréviaire, en se promenant doucement le long des grands buis. Depuis quelques jours, il tenait la porte de l’impasse fermée ; il coquetait avec les voisins, semblait se cacher pour qu’on le désirât. Peut-être avait-il remarqué un léger refroidissement, à la suite de sa dernière brouille avec monseigneur et des histoires abominables que ses ennemis faisaient courir.
Vers cinq heures, comme le soleil baissait, l’abbé Surin proposa aux demoiselles Rastoil une partie de volant. Il était de première force. Malgré l’approche de la trentaine, Angéline et Aurélie adoraient les petits jeux ; leur mère leur aurait encore fait porter des robes courtes, si elle avait osé. Quand la bonne eut apporté les raquettes, l’abbé Surin, qui cherchait des yeux une place dans le jardin, tout ensoleillé par les derniers rayons, eut une idée que ces demoiselles approuvèrent vivement.
— Si nous allions nous mettre dans l’impasse des Chevillottes ? dit-il, nous serions à l’ombre des marronniers ; puis, nous aurions bien plus de recul.
Ils sortirent, et la partie la plus agréable du monde s’engagea. Les deux demoiselles commencèrent. Ce fut Angéline qui manqua la première le volant. L’abbé Surin l’ayant remplacée tint la raquette avec une adresse et une ampleur vraiment magistrales. Il avait ramené sa soutane entre ses jambes ; il bondissait en avant, en arrière, sur les côtés, ramassait le volant au ras du sol, le saisissait d’un revers à