des hauteurs surprenantes, le lançait roide comme une balle ou lui faisait décrire des courbes élégantes, calculées avec une science parfaite. D’ordinaire, il préférait les mauvais joueurs, qui, en jetant le volant au hasard, sans aucun rythme, selon son expression, l’obligeaient à déployer toute la souplesse de son jeu. Mademoiselle Aurélie était d’une jolie force ; elle poussait un cri d’hirondelle à chaque coup de raquette, riant comme une folle quand le volant s’en allait droit sur le nez du jeune abbé ; puis, elle se ramassait dans ses jupes pour l’attendre ou reculait par petits sauts, avec un bruit terrible d’étoffe froissée, lorsqu’il lui faisait la niche de taper plus fort. Enfin, le volant étant venu se planter dans ses cheveux, elle faillit tomber à la renverse, ce qui les égaya beaucoup tous les trois. Angéline prit la place. Dans le jardin des Mouret, chaque fois que l’abbé Faujas levait les yeux de son bréviaire, il apercevait le vol blanc du volant au-dessus de la muraille, pareil à un gros papillon.
— Monsieur le curé, êtes-vous là ? cria Angéline, en venant frapper à la petite porte ; notre volant est entré chez vous.
L’abbé, ayant ramassé le volant tombé à ses pieds, se décida à ouvrir.
— Ah ! merci, monsieur le curé, dit Aurélie, qui tenait déjà la raquette. Il n’y a qu’Angéline pour un coup pareil… L’autre jour, papa nous regardait ; elle lui a envoyé ça dans l’oreille, et si fort, qu’il en est resté sourd jusqu’au lendemain.
Les rires éclatèrent de nouveau. L’abbé Surin, rose comme une fille, s’essuyait délicatement le front, à petites tapes, avec un fin mouchoir. Il rejetait ses cheveux blonds derrière les oreilles, les yeux luisants, la taille souple, se servant de sa raquette comme d’un éventail. Dans le feu du plaisir, son rabat avait légèrement tourné.