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LES ROUGON-MACQUART.

gêne et personnelle de chaque locataire, la cuisine flambante, où Rose semblait avoir toute une table d’hôte à traiter. Puis, c’était une procession continuelle de fournisseurs. Olympe, se soignant les mains, ne voulant plus laver la vaisselle, se faisait tout apporter du dehors, de chez un pâtissier de la rue de la Banne, qui préparait des repas pour la ville. Et Marthe souriait, se disait heureuse de ce branle de la maison entière ; elle n’aimait plus rester seule, avait besoin d’occuper la fièvre dont elle était brûlée.

Cependant, Mouret, comme pour fuir ce vacarme, s’enfermait dans la pièce du premier étage, qu’il appelait son bureau ; il avait vaincu sa répugnance de la solitude ; il ne descendait presque plus au jardin, disparaissait souvent du matin au soir.

— Je voudrais bien savoir ce qu’il peut faire, là-dedans, disait Rose à madame Faujas. On ne l’entend pas remuer. On le croirait mort. S’il se cache, n’est-ce pas ? c’est qu’il n’a rien de propre à faire.

Quand l’été vint, la maison s’anima encore. L’abbé Faujas recevait les sociétés du sous-préfet et du président, au fond du jardin, sous la tonnelle. Rose, sur l’ordre de Marthe, avait acheté une douzaine de chaises rustiques, afin qu’on pût prendre le frais, sans toujours déménager les siéges de la salle à manger. L’habitude était prise. Chaque mardi, dans l’après-midi, les portes de l’impasse restaient ouvertes ; ces messieurs et ces dames venaient saluer monsieur le curé, en voisins, coiffés de chapeaux de paille, chaussés de pantoufles, les redingotes déboutonnées, les jupes relevées par des épingles. Les visiteurs arrivaient un à un ; puis, les deux sociétés finissaient par se trouver au complet, mêlées, confondues, s’égayant, commérant dans la plus grande intimité.

— Vous ne craignez pas, dit un jour M. de Bourdeu à M. Rastoil, que ces rencontres avec la bande de la sous-