préfecture ne soient mal jugées ?… Voici les élections générales qui approchent.
— Pourquoi seraient-elles mal jugées ? répondit M. Rastoil. Nous n’allons pas à la sous-préfecture, nous sommes sur un terrain neutre… Puis, mon cher ami, il n’y a aucune cérémonie là dedans. Je garde ma veste de toile. C’est de la vie privée. Personne n’a le droit de juger ce que je fais sur le derrière de ma maison… Sur le devant, c’est autre chose ; nous appartenons au public, sur le devant… Nous ne nous saluons seulement pas, monsieur Péqueur et moi dans les rues.
— Monsieur Péqueur des Saulaies est un homme qui gagne beaucoup à être connu, hasarda l’ancien préfet, après un silence.
— Sans doute, répliqua le président, je suis enchanté d’avoir fait sa connaissance… Et quel digne homme que l’abbé Faujas !… Non, certes, je ne crains pas les médisances, en allant saluer notre excellent voisin.
M. de Bourdeu, depuis qu’il était question des élections générales, devenait inquiet ; il disait que les premières chaleurs le fatiguaient beaucoup. Souvent, il avait des scrupules, il témoignait des doutes à M. Rastoil, pour que celui-ci le rassurât. Jamais, d’ailleurs, on n’abordait la politique dans le jardin des Mouret. Une après-midi, M. de Bourdeu, après avoir vainement cherché une transition, s’écria, en s’adressant au docteur Porquier :
— Dites donc, docteur, avez-vous lu le Moniteur, ce matin ? Le marquis a enfin parlé ; il a prononcé treize mots, je les ai comptés… Ce pauvre Lagrifoul ! Il a eu un succès de fou rire.
L’abbé Faujas avait levé un doigt, d’un air de fine bonhomie.
— Pas de politique, messieurs, pas de politique ! murmura-t-il.