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LES ROUGON-MACQUART.

veille ; mais elle leva les yeux, le regarda et ne dit rien. Lui, cependant, ne se décidait pas à sortir, comme il en avait l’habitude. Il allait et venait, de la salle à manger au jardin, furetant, prétendant que tout traînait, que la maison était au pillage ; puis, il se fâcha contre Serge et Octave, qui, disait-il, étaient partis une demi-heure trop tôt pour le collége.

— Est-ce que papa ne sort pas ? demanda Désirée à l’oreille de sa mère. Il va bien nous ennuyer, s’il reste.

Marthe la fit taire. Mouret parla enfin d’une affaire qu’il devait terminer dans la journée. Il n’avait pas un moment, il ne pouvait pas même se reposer un jour chez lui, lorsqu’il en éprouvait le besoin. Il partit, désolé de ne pas demeurer là, aux aguets.

Le soir, quand il rentra, il avait toute une fièvre de curiosité.

— Et l’abbé ? demanda-t-il, avant même d’ôter son chapeau.

Marthe travaillait à sa place ordinaire, sur la terrasse.

— L’abbé ? répéta-t-elle avec quelque surprise. Ah ! oui, l’abbé… Je ne l’ai pas vu, je crois qu’il s’est installé. Rose m’a dit qu’on avait apporté des meubles.

— Voilà ce que je craignais, s’écria Mouret. J’aurais voulu être là ; car, enfin, les meubles sont ma garantie… Je savais bien que tu ne bougerais pas de ta chaise. Tu es une pauvre tête, ma bonne… Rose ! Rose !

Et lorsque la cuisinière fut là :

— On a apporté des meubles pour les gens du second ?

— Oui, monsieur, dans une petite carriole. J’ai reconnu la carriole de Bergasse, le revendeur du marché. Allez, il n’y en avait pas lourd. Madame Faujas suivait. En montant la rue Balande, elle a même donné un coup de main à l’homme qui poussait.

— Vous avez vu les meubles, au moins ; vous les avez comptés ?