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LES ROUGON-MACQUART.

Sa voix faiblissait de plus en plus, n’était plus qu’un murmure de prière ardente.

— Qui me donnera des ailes pour voler vers vous ? Mon âme, éloignée de vous, impatiente d’être remplie de vous, languit sans vous, vous souhaite avec ardeur, et soupire après vous, ô mon Dieu, ô mon unique bien, ma consolation, ma douceur, mon trésor, mon bonheur et ma vie, mon Dieu et mon tout…

Elle souriait, en balbutiant ce lambeau de l’acte de désir. Elle joignait les mains, semblait voir la tête grave de l’abbé Faujas dans une auréole. Celui-ci avait toujours réussi à arrêter un aveu sur les lèvres de Marthe ; il eut peur un instant, dégagea vivement ses bras. Et, se tenant debout :

— Soyez raisonnable, je le veux, dit-il avec autorité. Dieu refusera vos hommages, si vous ne les lui adressez pas dans le calme de votre raison… Il s’agit de vous soigner en ce moment.

Rose revenait, désespérée de n’avoir pas trouvé de l’éther. Il l’installa auprès du lit, répétant à Marthe d’une voix douce :

— Ne vous tourmentez pas. Dieu sera touché de votre amour. Quand l’heure viendra, il descendra en vous, il vous emplira d’une éternelle félicité.

Quand il quitta la chambre, il laissa Marthe rayonnante, comme ressuscitée. À partir de ce jour, il la mania ainsi qu’une cire molle. Elle lui devint très-utile, dans certaines missions délicates auprès de madame de Condamin ; elle fréquenta aussi assidûment madame Rastoil, sur un simple désir qu’il exprima. Elle était d’une obéissance absolue, ne cherchant pas à comprendre, répétant ce qu’il la priait de répéter. Il ne prenait même plus aucune précaution avec elle, lui faisait crûment sa leçon, se servait d’elle comme d’une pure machine. Elle aurait mendié dans les rues, s’il lui en avait donné l’ordre. Et quand elle devenait inquiète, qu’elle tendait les mains vers lui, le cœur crevé, les lèvres gonflées de passion,