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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

La cuisinière branla terriblement la tête.

— Pourquoi n’avez-vous pas ouvert ? demanda-t-elle ; nous avons cogné assez fort.

— Je vous assure, ce n’est pas moi, dit-il de nouveau avec plus de douceur encore. Je ne savais pas ce qu’elle avait. Elle s’est jetée par terre, elle se mordait, elle faisait des bonds à crever les meubles. Je n’ai pas osé passer ; j’étais imbécile. Je vous ai crié deux fois d’entrer, mais vous n’avez pas dû m’entendre parce qu’elle criait trop fort. J’ai eu bien peur. Ce n’est pas moi, je vous assure.

— Oui, c’est elle qui s’est battue, n’est-ce pas ? reprit Rose en ricanant.

Et elle ajouta, en s’adressant à madame Faujas :

— Il aura jeté son bâton par la fenêtre, lorsqu’il nous aura entendu arriver.

Mouret, reposant enfin le bougeoir sur la commode, s’était assis, les mains aux genoux. Il ne se défendait plus ; il regardait stupidement ces femmes, à moitié vêtues, agitant leurs bras maigres devant le lit. Trouche avait échangé un coup d’œil avec l’abbé Faujas. Le pauvre homme leur paraissait peu féroce, en bras de chemise, un foulard jaune noué sur son crâne chauve. Ils se rapprochèrent, examinèrent Marthe, qui, la face convulsée, semblait sortir d’un rêve.

— Qu’y a-t-il, Rose ? demanda-t-elle. Pourquoi tout ce monde est-il là ? Je suis brisée. Je t’en prie, dis qu’on me laisse tranquille.

Rose hésita un moment.

— Votre mari est dans la chambre, madame, murmura-t-elle. Vous ne craignez pas de rester seule avec lui ?

Marthe la regarda, étonnée.

— Non, non, répondit-elle. Allez-vous-en, j’ai bien sommeil.