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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

geait. Ils avaient un air béat, une de ces pudeurs de sacristie, rigides et froides. Derrière eux, semblaient s’épaissir un silence, une immobilité de cloître. De loin en loin, les fenêtres étaient entr’ouvertes, laissant voir, entre les blancheurs des rideaux, l’ombre des hauts plafonds. Mais Mouret avait beau se mettre aux aguets, jamais il n’apercevait la main qui ouvrait et qui fermait ; il n’entendait même pas le grincement de l’espagnolette. Aucun bruit humain ne descendait de l’appartement.

Au bout de la première semaine, Mouret n’avait pas encore revu l’abbé Faujas. Cet homme qui vivait à côté de lui, sans qu’il pût seulement apercevoir son ombre, finissait par lui donner une sorte d’inquiétude nerveuse. Malgré les efforts qu’il faisait pour paraître indifférent, il retomba dans ses interrogations, il commença une enquête.

— Tu ne le vois donc pas, toi ? demanda-t-il à sa femme.

— J’ai cru l’apercevoir hier, quand il est rentré ; mais je ne suis pas bien sûre… Sa mère porte toujours une robe noire ; c’était peut-être elle.

Et comme il la pressait de questions, elle lui dit ce qu’elle savait.

— Rose assure qu’il sort tous les jours ; il reste même longtemps dehors… Quant à la mère, elle est réglée comme une horloge ; elle descend le matin, à sept heures, pour faire ses provisions. Elle a un grand panier, toujours fermé, dans lequel elle doit tout apporter : le charbon, le pain, le vin, la nourriture, car on ne voit jamais aucun fournisseur venir chez eux… Ils sont très-polis, d’ailleurs. Rose dit qu’ils la saluent, lorsqu’ils la rencontrent. Mais, le plus souvent, elle ne les entend seulement pas descendre l’escalier.

— Ils doivent faire une drôle de cuisine, là-haut, murmura Mouret, auquel ces renseignements n’apprenaient rien.