sa maîtresse que monsieur avait dû aller à Marseille ; mais, lorsque Marthe put descendre pour la première fois et se mettre à table dans la salle à manger, elle s’étonna, elle demanda son mari avec un commencement d’inquiétude.
— Voyons, chère dame, ne vous faites pas de mal, dit madame Faujas ; vous retomberez au lit. Il a fallu prendre un parti. Vos amis ont dû se consulter et agir dans vos intérêts.
— Vous n’avez pas à le regretter, s’écria brutalement Rose, après le coup de bâton qu’il vous a donné sur la tête. Le quartier respire depuis qu’il n’est plus là. On craignait toujours qu’il ne mît le feu ou qu’il ne sortit dans la rue avec un couteau. Moi, je cachais tous les couteaux de ma cuisine ; la bonne de monsieur Rastoil aussi… Et votre pauvre mère qui ne vivait plus !… Allez, le monde qui venait vous voir pendant votre maladie, toutes ces dames, tous ces messieurs, me le disaient bien, lorsque je les reconduisais : C’est un bon débarras pour Plassans. Une ville est toujours sur le qui-vive, quand un homme comme ça va et vient en liberté.
Marthe écoutait ce flux de paroles, les yeux agrandis, horriblement pâle. Elle avait laissé retomber sa cuiller ; elle regardait en face d’elle, par la fenêtre ouverte, comme si quelque vision, montant derrière les arbres fruitiers du jardin, l’avait terrifiée.
— Les Tulettes, les Tulettes ! bégaya-t-elle en se cachant les yeux sous ses mains frémissantes.
Elle se renversait, se roidissait déjà dans une attaque de nerfs, lorsque l’abbé Faujas, qui avait achevé son potage, lui prit les mains, qu’il serra fortement, et en murmurant de sa voix la plus souple :
— Soyez forte devant cette épreuve que Dieu vous envoie. Il vous accordera des consolations, si vous ne vous révoltez pas ; il saura vous ménager le bonheur que vous méritez.