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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/321

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

d’accord. Les électeurs de Plassans, pris de peur, depuis qu’ils se sentaient la bride sur le cou, ne demandaient pas mieux que de s’entendre, en choisissant un de leurs concitoyens agréable aux divers partis.

— Le gouvernement a tort de nous traiter en enfants terribles, disaient d’un ton piqué les fins politiques du cercle du Commerce. Ne dirait-on pas que la ville est un foyer révolutionnaire ! Si l’administration avait eu le tact de patronner un candidat possible, nous aurions tous voté pour lui… Le sous-préfet a parlé d’une leçon. Eh bien, nous ne l’acceptons pas, la leçon. Nous saurons trouver notre candidat nous-mêmes, nous montrerons que Plassans est une ville de bon sens et de véritable liberté.

Et l’on cherchait. Mais les noms mis en avant par des amis ou des intéressés ne faisaient que redoubler la confusion. Plassans, en une semaine, eut plus de vingt candidats. Madame Rougon, inquiète, ne comprenant plus, alla trouver l’abbé Faujas, furieuse contre le sous-préfet. Ce Péqueur était un âne, un bellâtre, un mannequin, bon à décorer un salon officiel ; il avait déjà laissé battre le gouvernement, il allait achever de le compromettre par une attitude d’indifférence ridicule.

— Calmez-vous, dit le prêtre qui souriait ; cette fois, monsieur Péqueur des Saulaies se contente d’obéir… La victoire est certaine.

— Eh ! vous n’avez point de candidat ! s’écria-t-elle. Où est votre candidat ?

Alors, il développa son plan. Elle l’approuva en femme intelligente ; mais elle accueillit avec la plus grande surprise le nom qu’il lui confia.

— Comment ! dit-elle, c’est lui que vous avez choisi ?… Personne n’a jamais songé à lui, je vous assure.

— Je l’espère bien, reprit le prêtre en souriant de nouveau. Nous avions besoin d’un candidat auquel personne ne