Rougon et l’abbé Faujas. Lorsque Marthe vint se plaindre de nouveau, sa mère lui dit nettement :
— Ton abbé se moque de toi. Tu n’auras jamais la moindre satisfaction avec cet homme… À ta place, je ne me gênerais pas pour lui jeter à la figure ses quatre vérités. D’abord, il est sale comme un peigne depuis quelque temps ; je ne comprends pas comment tu peux manger à côté de lui.
La vérité était que madame Rougon avait soufflé à son mari un plan fort ingénieux. Il s’agissait d’évincer l’abbé pour bénéficier de son succès. Maintenant que la ville votait correctement, Rougon, qui n’avait point voulu risquer une campagne ouverte, devait suffire à la maintenir dans le bon chemin. Le salon vert n’en serait que plus puissant. Félicité, dès lors, attendit avec cette ruse patiente à laquelle elle devait sa fortune.
Le jour où sa mère lui jura que l’abbé « se moquait d’elle, » Marthe se rendit à Saint-Saturnin, le cœur saignant, résolue à un appel suprême. Elle demeura là deux heures, dans l’église déserte, épuisant les prières, attendant l’extase, se torturant à chercher le soulagement. Des humilités l’aplatissaient sur les dalles, des révoltes la redressaient les dents serrées, tandis que tout son être, tendu follement, se brisait à ne saisir, à ne baiser que le vide de sa passion. Quand elle se leva, quand elle sortit, le ciel lui parut noir ; elle ne sentait pas le pavé sous ses pieds, et les rues étroites lui laissaient l’impression d’une immense solitude. Elle jeta son chapeau et son châle sur la table de la salle à manger, elle monta droit à la chambre de l’abbé Faujas.
L’abbé, assis devant sa petite table, songeait, la plume tombée des doigts. Il lui ouvrit, préoccupé ; mais, lorsqu’il l’aperçut toute pâle devant lui, avec une résolution ardente dans les yeux, il eut un geste de colère.
— Que voulez-vous ? demanda-t-il, pourquoi êtes-vous