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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

Marthe entra, tremblante, la gorge sèche. Elle ne vit d’abord qu’une masse repliée contre le mur, dans un coin. Le jour pâlissait, le cabanon n’était éclairé que par une lueur de cave, tombant d’une fenêtre grillée, garnie d’un tablier de planches.

— Eh ! mon brave, cria familièrement Alexandre, en allant taper sur l’épaule de Mouret, je vous amène une visite… Vous allez être gentil, j’espère.

Il revint s’adosser contre la porte, les bras ballants, ne quittant pas le fou des yeux. Mouret s’était lentement relevé. Il ne parut pas surpris le moins du monde.

— C’est toi, ma bonne ? dit-il de sa voix paisible ; je t’attendais, j’étais inquiet des enfants.

Marthe, dont les genoux fléchissaient, le regardait avec anxiété, rendue muette par cet accueil attendri. D’ailleurs, il n’avait point changé ; il se portait même mieux, gros et gras, la barbe faite, les yeux clairs. Ses tics de bourgeois satisfait avaient reparu ; il se frotta les mains, cligna la paupière droite, piétina, en bavardant de son air goguenard des bons jours.

— Je suis tout à fait bien, ma bonne. Nous allons pouvoir retourner à la maison… Tu viens me chercher, n’est-ce pas ?… Est-ce qu’on a pris soin de mes salades ? Les limaces aiment diantrement les laitues, le jardin en était rongé ; mais je sais un moyen pour les détruire… J’ai des projets, tu verras. Nous sommes assez riches, nous pouvons nous payer nos fantaisies… Dis, tu n’as pas vu le père Gautier, de Saint-Eutrope, pendant mon absence ? Je lui avais acheté trente milleroles de gros vin pour des coupages. Il faudra que j’aille le voir… Toi tu n’as pas de mémoire pour deux sous.

Il se moquait, il la menaçait amicalement du doigt.

— Je parie que je vais trouver tout en désordre, continua-t-il. Vous ne faites attention à rien ; les outils traînent,