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LES ROUGON-MACQUART.

comme un platras tombé de moisissure, se fondre comme un morceau de sel jeté dans une eau tiède.

En haut, des rires clairs sonnaient, qui lui hérissaient le poil. Posant la lampe à terre, il monta pour chercher Marthe ; il monta à quatre pattes, sans bruit, avec une légèreté et une douceur de loup. Quand il fut sur le palier du premier étage, il s’accroupit devant la porte de la chambre à coucher. Une raie de lumière passait sous la porte. Marthe devait se mettre au lit.

— Ah bien ! dit la voix d’Olympe, il est joliment bon leur lit ! Vois donc comme on enfonce, Honoré ; j’ai de la plume jusqu’aux yeux.

Elle riait, elle s’étalait, sautait au milieu des couvertures.

— Veux-tu que je te dise ? reprit-elle. Eh bien ! depuis que je suis ici, j’ai envie de coucher dans ce dodo-là… C’était une maladie, quoi ! Je ne pouvais pas voir cette bringue de propriétaire se carrer là-dedans, sans avoir une envie furieuse de la jeter par terre pour me mettre à sa place… C’est qu’on a chaud tout de suite ! Il me semble que je suis dans du coton.

Trouche, qui n’était pas couché, remuait les flacons de la toilette.

— Elle a toutes sortes d’odeurs, murmurait-il.

— Tiens ! continua Olympe, puisqu’elle n’y est pas, nous pouvons bien nous payer la belle chambre ! Il n’y a pas de danger qu’elle vienne nous déranger ; j’ai poussé les verrous… Tu vas prendre froid, Honoré.

Il ouvrait les tiroirs de la commode, fouillait dans le linge.

— Mets donc cela, dit-il en jetant une chemise de nuit à Olympe ; c’est plein de dentelles. J’ai toujours rêvé de coucher avec une femme qui aurait de la dentelle… Moi, je vais prendre ce foulard rouge… Est-ce que tu as changé les draps ?