Aller au contenu

Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
LES ROUGON-MACQUART.

pièce, une petite table placée au milieu, avec deux chaises, une devant chaque fenêtre, complétaient le mobilier. Pas un papier sur la table, pas un objet sur la commode, pas un vêtement aux murs : le bois nu, le marbre nu, le mur nu. Au-dessus de la commode, un grand christ de bois noir coupait seul d’une croix sombre cette nudité grise.

— Tenez, monsieur, venez par ici, dit l’abbé ; c’est dans ce coin que s’est produite une tache au plafond.

Mais Mouret ne se pressait pas, il jouissait. Bien qu’il ne vît pas les choses singulières qu’il s’était vaguement promis de voir, la chambre avait pour lui, esprit fort, une odeur particulière. Elle sentait le prêtre, pensait-il ; elle sentait un homme autrement fait que les autres, qui souffle sa bougie pour changer de chemise, qui ne laisse traîner ni ses caleçons ni ses rasoirs. Ce qui le contrariait, c’était de ne rien trouver d’oublié sur les meubles ni dans les coins, qui pût lui donner matière à hypothèses. La pièce était comme ce diable d’homme, muette, froide, polie, impénétrable. Sa vive surprise fut de ne pas y éprouver, ainsi qu’il s’y attendait, une impression de misère ; au contraire, elle lui produisait un effet qu’il avait ressenti autrefois, un jour qu’il était entré dans le salon très-richement meublé d’un préfet de Marseille. Le grand christ semblait l’emplir de ses bras noirs.

Il fallut pourtant qu’il se décidât à s’approcher de l’encoignure où l’abbé Faujas l’appelait.

— Vous voyez la tache, n’est-ce pas ? reprit celui-ci. Elle s’est un peu effacée depuis hier.

Mouret se haussait sur les pieds, clignait les yeux, sans rien voir. Le prêtre ayant tiré les rideaux, il finit par apercevoir une légère teinte de rouille.

— Ce n’est pas bien grave, murmura-t-il.

— Sans doute ; mais j’ai cru devoir vous prévenir… L’infiltration a dû avoir lieu au bord du toit.