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LES ROUGON-MACQUART.

Il but de nouveau.

— Si je lui faisais la cour, hein ! ma chérie ? dit-il plus bas.

— Ah ! non, s’écria Olympe, qui se mit à rire comme si on la chatouillait. Tu es trop vieux, tu n’es pas assez beau. Ça me serait bien égal, mais elle ne voudrait pas de toi, c’est sûr… Laisse-moi faire, je lui monterai la tête. C’est moi qui donnerai congé à maman et à Ovide, puisqu’ils sont si peu gentils avec nous.

— D’ailleurs, si tu ne réussis pas, murmura-t-il, j’irai dire partout qu’on a trouvé l’abbé couché avec la propriétaire. Cela fera un tel bruit, qu’il sera bien forcé de déménager.

Olympe s’était assise sur son séant.

— Tiens, dit-elle, mais c’est une bonne idée, ça ! Dès demain, il faut commencer. Avant un mois la cambuse est à nous… Je vais t’embrasser pour la peine.

Cela les égaya beaucoup. Ils dirent comment ils arrangeraient la chambre ; ils changeraient la commode de place, ils monteraient deux fauteuils du salon. Leur langue s’embarrassait de plus en plus. Un silence se fit.

— Allons, bon ! te voilà parti, bégaya Olympe ; tu ronfles les yeux ouverts. Laisse-moi me mettre sur le devant ; au moins, je finirai mon roman. Je n’ai pas sommeil, moi.

Elle se leva, le roula comme une masse vers la ruelle, et se mit à lire. Mais, dès la première page, elle tourna la tête avec inquiétude du côté de la porte. Elle croyait entendre un singulier grondement dans le corridor. Puis, elle se fâcha.

— Tu sais bien que je n’aime pas ces plaisanteries-là, dit-elle en donnant un coup de coude à son mari. Ne fais pas le loup… On dirait qu’il y a un loup à la porte. Continue, si ça t’amuse. Va, tu es bien agaçant.

Et elle se replongea dans son roman, furieuse, après avoir sucé la tranche de citron de son grog.