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LES ROUGON-MACQUART.

confesser aujourd’hui. La pauvre madame Mouret avait les deux poumons attaqués, et la phtisie chez elle se compliquait d’une maladie nerveuse.

Il s’était assis, gardant aux coins des lèvres son sourire de médecin bien élevé, qui se montrait poli même à l’égard de la mort.

— Ne vous désespérez pas, ne vous rendez pas malade, chère dame. La catastrophe était prévue, une circonstance pouvait la hâter tous les jours… La pauvre madame Mouret devait tousser, étant jeune, n’est-ce pas ? J’estime qu’elle a couvé pendant des années les germes du mal. Dans ces derniers temps, depuis trois ans surtout, la phtisie faisait en elle des progrès effrayants. Et quelle piété ! quelle ferveur ! J’étais touché à la voir s’en aller si saintement… Que voulez-vous ? les décrets de Dieu sont insondables, la science est bien souvent impuissante.

Et, comme madame Rougon pleurait toujours, il lui prodigua les plus tendres consolations, il voulut absolument qu’elle prît une tasse de tilleul pour se calmer.

— Ne vous tourmentez pas, je vous en conjure, répétait-il. Je vous assure qu’elle ne sent déjà plus son mal ; elle va s’endormir ainsi tranquillement, elle ne reprendra connaissance qu’au moment de l’agonie… Je ne vous abandonne pas, d’ailleurs ; je reste là, bien que tous mes soins soient inutiles à présent. Je reste, en ami, chère dame, en ami, entendez-vous ?

Il s’installa commodément pour la nuit, dans un fauteuil. Félicité s’apaisait un peu. Le docteur Porquier lui ayant fait entendre que Marthe n’avait plus que quelques heures à vivre, elle eut l’idée d’envoyer chercher Serge au séminaire, qui était voisin. Quand elle pria Rose de se rendre au séminaire, celle-ci refusa d’abord.

— Vous voulez donc le tuer aussi, ce pauvre petit ! dit-elle. Ça lui porterait un coup trop rude, d’être réveillé au