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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/389

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

milieu de la nuit, pour venir voir une morte… Je ne veux pas être son bourreau.

Rose gardait rancune à sa maîtresse. Depuis que celle-ci agonisait, elle tournait autour du lit, furieuse, bousculant les tasses et les bouteilles d’eau chaude.

— Est-ce qu’il y a du bon sens à faire ce que madame a fait ? ajouta-t-elle. Ce n’est la faute à personne, si elle est allée prendre la mort auprès de monsieur. Et, maintenant, il faut que tout soit en l’air, elle nous fait tous pleurer… Non, certes, je ne veux pas qu’on force le petit à se lever en sursaut.

Cependant, elle finit par se rendre au séminaire. Le docteur Porquier s’était allongé devant le feu ; les yeux à demi fermés, il continuait à prodiguer de bonnes paroles à madame Rougon. Un léger râle commençait à soulever les flancs de Marthe. L’oncle Macquart, qui n’avait point reparu depuis deux grandes heures, poussa doucement la porte.

— D’où venez-vous donc ? lui demanda Félicité, qui l’emmena dans un coin.

Il répondit qu’il était allé remiser sa carriole et son cheval à l’auberge des Trois-Pigeons. Mais il avait des yeux si vifs, un air de sournoiserie si diabolique, qu’elle était reprise de mille soupçons. Elle oublia sa fille mourante, flairant une coquinerie qu’elle devait avoir intérêt à connaître.

— On dirait que vous avez suivi et guetté quelqu’un, reprit-elle, en remarquant son pantalon boueux. Vous me cachez quelque chose, Macquart. Cela n’est pas bien. Nous avons toujours été gentils pour vous.

— Oh ! gentils ! murmura l’oncle en ricanant, c’est vous qui le dites. Rougon est un cancre ; dans l’affaire du champ de blé, il s’est méfié de moi, il m’a traité comme le dernier des derniers… Où donc est-il, Rougon ? Il se dorlote, lui ; il ne se moque pas mal de la peine qu’on prend pour la famille.