femme grasse qui marche avec une douceur de mouton, elle en a fait voir de rudes à ce pauvre Rastoil.
Il cligna l’œil gauche, tic qui lui était habituel, quand il lançait une plaisanterie un peu risquée. L’abbé avait baissé les paupières, attendant la suite ; puis, l’autre se taisant, il les rouvrit et regarda la société d’à côté s’installer sous les arbres, autour de la table ronde.
Mouret reprit ses explications.
— Ils vont rester là jusqu’au dîner, à prendre le frais. C’est tous les mardis la même chose… Cet abbé Surin a beaucoup de succès. Le voilà qui rit aux éclats avec mademoiselle Aurélie… Ah ! le grand vicaire nous a aperçus. Hein ? quels yeux ! Il ne m’aime guère, parce que j’ai eu une contestation avec un de ses parents… Mais où donc est l’abbé Bourrette ? Nous ne l’avons pas vu, n’est-ce pas ? C’est bien surprenant. Il ne manque pas un des mardis de monsieur Rastoil. Il faut qu’il soit indisposé… Vous le connaissez, celui-là. Et quel digne homme ! La bête du bon Dieu.
Mais l’abbé Faujas n’écoutait plus. Son regard se croisait à tout instant avec celui de l’abbé Fenil. Il ne détournait pas la tête, il soutenait l’examen du grand vicaire avec une froideur parfaite. Il s’était installé plus carrément sur la barre d’appui, et ses yeux semblaient être devenus plus grands.
— Voilà la jeunesse, continua Mouret, en voyant arriver trois jeunes gens. Le plus âgé est le fils Rastoil ; il vient d’être reçu avocat. Les deux autres sont les enfants du juge de paix, qui sont encore au collége… Tiens, pourquoi donc mes deux polissons ne sont-ils pas rentrés ?
À ce moment, Octave et Serge parurent justement sur la terrasse. Ils s’adossèrent à la rampe, taquinant Désirée, qui venait de s’asseoir auprès de sa mère. Les enfants, ayant vu leur père au second étage, baissaient la voix, riant à rires étouffés.