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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— De quoi donc, mon ami ? demanda Marthe étonnée.

— Du beau succès de l’abbé Faujas, pardieu ! On l’a mis à la porte du salon vert.

— Mais non, je t’assure ; je n’ai rien vu de semblable.

— Eh ! je te l’ai dit, tu ne vois rien !… Sais-tu ce qu’il a fait à Besançon, l’abbé ? Il a étranglé un curé ou il a commis des faux. On ne peut pas affirmer au juste… N’importe, il paraît qu’on l’a joliment arrangé. Il était vert. C’est un homme fini.

Marthe avait baissé la tête, laissant son mari triompher de l’échec du prêtre. Mouret était enchanté.

— Je garde ma première idée, continua-t-il ; ta mère doit manigancer quelque chose avec lui. On m’a raconté qu’elle s’était montrée très-aimable. C’est elle, n’est-ce pas, qui a prié l’abbé de t’accompagner ? Pourquoi ne m’as-tu pas dit cela ?

Elle haussa doucement les épaules, sans répondre.

— Tu es étonnante, vraiment ! s’écria-t-il. Tous ces détails-là ont beaucoup d’importance… Ainsi, madame Paloque, que je viens de rencontrer, m’a dit qu’elle était restée avec plusieurs dames, pour voir comment l’abbé sortirait. Ta mère s’est servie de toi pour protéger la retraite du calottin, tu ne comprends donc pas !… Voyons, tâche de te souvenir ; que t’a-t-il dit, en te ramenant ici ?

Il s’était assis devant sa femme, il la tenait sous l’interrogation aiguë de ses petits yeux.

— Mon Dieu, répondit-elle patiemment, il m’a dit des choses sans importance, des choses comme tout le monde peut en dire… Il a parlé du froid, qui était très-vif ; de la tranquillité de la ville pendant la nuit ; puis, je crois, de l’agréable soirée qu’il venait de passer.

— Ah ! le tartufe !… Et il ne t’a pas questionnée sur ta mère, sur les gens qu’elle reçoit ?

— Non. D’ailleurs, le chemin n’est pas long, de la rue