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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

Ce second étage ne nous servait à rien ; il se délabrait. Les fruits que nous conservions dans les chambres entretenaient là une humidité qui décollait les papiers… Pendant que j’y songe, n’oublie pas de faire enlever les fruits, dès demain : notre locataire peut arriver d’un moment à l’autre.

— Nous étions pourtant si à l’aise, seuls dans notre maison ! laissa échapper Marthe à demi-voix.

— Bah ! reprit Mouret, un prêtre, ce n’est pas bien gênant. Il vivra chez lui, et nous chez nous. Ces robes noires, ça se cache pour avaler un verre d’eau… Tu sais si je les aime, moi ! Des fainéants, la plupart… Eh bien ! ce qui m’a décidé à louer, c’est que justement j’ai trouvé un prêtre. Il n’y a rien à craindre pour l’argent avec eux, et on ne les entend pas même mettre leur clef dans la serrure.

Marthe restait désolée. Elle regardait, autour d’elle, la maison heureuse, baignant dans l’adieu du soleil le jardin, où l’ombre devenait plus grise ; elle regardait ses enfants, son bonheur endormi qui tenait là, dans ce coin étroit.

— Et sais-tu quel est ce prêtre ? reprit-elle.

— Non, mais l’abbé Bourrette a loué en son nom, cela suffit. L’abbé Bourrette est un brave homme… Je sais que notre locataire s’appelle Faujas, l’abbé Faujas, et qu’il vient du diocèse de Besançon. Il n’aura pas pu s’entendre avec son curé ; on l’aura nommé vicaire ici, à Saint-Saturnin. Peut-être qu’il connaît notre évêque, monseigneur Rousselot. Enfin, ce ne sont pas nos affaires, tu comprends… Moi, dans tout ceci, je me fie à l’abbé Bourrette.

Cependant, Marthe ne se rassurait pas. Elle tenait tête à son mari, ce qui lui arrivait rarement.

— Tu as raison, dit-elle, après un court silence, l’abbé est un digne homme. Seulement, je me souviens que, lorsqu’il est venu pour visiter l’appartement, il m’a dit ne pas connaître la personne au nom de laquelle il était chargé de louer. C’est une de ces commissions comme on