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LA CURÉE

chiffres, que celui-ci énonçait tout haut. Larsonneau était là, qui traitait son complice en étranger.

— Allez, mettez cinq cent mille francs, finit par dire Saccard. La maison vaut davantage… Dépêchons, je crois qu’il va y avoir un mouvement du personnel à l’Hôtel de Ville, et je veux vous en parler pour que vous préveniez votre femme.

L’affaire fut ainsi enlevée. Mais il avait encore des craintes. Il redoutait que ce chiffre de cinq cent mille francs ne parût un peu gros à la commission des indemnités, pour une maison qui n’en valait notoirement que deux cent mille. La hausse formidable sur les immeubles n’avait pas encore eu lieu. Une enquête lui aurait fait courir le risque de sérieux désagréments. Il se rappelait cette phrase de son frère : « Pas de scandale trop bruyant, ou je te supprime ; » et il savait Eugène homme à exécuter sa menace. Il s’agissait de rendre aveugles et bienveillants ces messieurs de la commission. Il jeta les yeux sur deux hommes influents dont il s’était fait des amis par la façon dont il les saluait dans les corridors lorsqu’il les rencontrait. Les trente-six membres du conseil municipal étaient choisis avec soin de la main même de l’empereur, sur la présentation du préfet, parmi les sénateurs, les députés, les avocats, les médecins, les grands industriels qui s’agenouillaient le plus dévotement devant le pouvoir ; mais, entre tous, le baron Gouraud et M. Toutin-Laroche méritaient la bienveillance des Tuileries par leur ferveur.

Tout le baron Gouraud tenait dans cette courte biographie : fait baron par Napoléon Ier, en récompense de biscuits avariés fournis à la grande armée, il avait tour à tour été pair sous Louis XVIII, sous Charles X, sous