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LES ROUGON-MACQUART

marcher, à parler de son tailleur, oubliant qu’elle s’adressait à un enfant.

— J’aurais voulu être là pour vous recevoir. Mais imaginez-vous que Worms m’a apporté ce costume ce matin… Je l’essaie et je le trouve assez réussi. Il a beaucoup de chic, n’est-ce pas ?

Elle s’était placée devant une glace. Maxime allait et venait derrière elle, pour la voir sur toutes les faces.

— Seulement, continua-t-elle, en mettant l’habit, je me suis aperçue qu’il faisait un gros pli, là, sur l’épaule gauche, vous voyez… C’est très laid, ce pli ; il semble que j’ai une épaule plus haute que l’autre.

Il s’était approché, il passait son doigt sur le pli, comme pour l’aplatir, et sa main de collégien vicieux paraissait s’oublier en cet endroit avec un certain bien aise.

— Ma foi, continua-t-elle, je n’ai pu y tenir. J’ai fait atteler et je suis allée dire à Worms ce que je pensais de son inconcevable légèreté… Il m’a promis de réparer cela.

Puis, elle resta devant la glace, se contemplant toujours, se perdant dans une subite rêverie. Elle finit par poser un doigt sur ses lèvres, d’un air d’impatience méditative. Et, tout bas, comme se parlant à elle-même :

— Il manque quelque chose… bien sûr qu’il manque quelque chose…

Alors, d’un mouvement prompt, elle se tourna, se planta devant Maxime, auquel elle demanda :

— Est-ce que c’est vraiment bien ?… Vous ne trouvez pas qu’il manque quelque chose, un rien, un nœud quelque part ?

Le collégien, rassuré par la camaraderie de la jeune