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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/121

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LA CURÉE

femme, avait repris tout l’aplomb de sa nature effrontée. Il s’éloigna, se rapprocha, cligna les yeux, en murmurant :

— Non, non, il ne manque rien, c’est très joli, très joli… Je trouve plutôt qu’il y a quelque chose de trop.

Il rougit un peu, malgré son audace, s’avança encore, et, traçant du bout du doigt un angle aigu sur la gorge de Renée :

— Moi, voyez-vous, continua-t-il, j’échancrerais comme ça cette dentelle, et je mettrais un collier avec une grosse croix.

Elle battit des mains, rayonnante.

— C’est cela, c’est cela, cria-t-elle… J’avais la grosse croix sur le bout de la langue.

Elle écarta la chemisette, disparut pendant deux minutes, revint avec le collier et la croix. Et, se replaçant devant la glace d’un air de triomphe :

— Oh ! complet, tout à fait complet, murmura-t-elle… Mais il n’est pas bête du tout, le petit tondu ! Tu habillais donc les femmes dans ta province ? Décidément, nous serons bons amis. Mais il faudra m’écouter. D’abord, vous laisserez pousser vos cheveux, et vous ne porterez plus cette affreuse tunique. Puis, vous suivrez fidèlement mes leçons de bonnes manières. Je veux que vous soyez un joli jeune homme.

— Mais bien sûr, dit naïvement l’enfant ; puisque papa est riche maintenant, et que vous êtes sa femme.

Elle eut un sourire, et avec sa vivacité habituelle :

— Alors commençons par nous tutoyer. Je dis tu, je dis vous. C’est bête… Tu m’aimeras bien ?

— Je t’aimerai de tout mon cœur, répondit-il avec une effusion de galopin en bonne fortune.