Page:Emile Zola - La Curée.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
LA CURÉE

La belle éducation que recevait Maxime eut un premier résultat. À dix-sept ans, le gamin séduisit la femme de chambre de sa belle-mère. Le pis de l’histoire fut que la chambrière devint enceinte. Il fallut l’envoyer à la campagne avec le marmot et lui constituer une petite rente. Renée resta horriblement vexée de l’aventure. Saccard ne s’en occupa que pour régler le côté pécuniaire de la question ; mais la jeune femme gronda vertement son élève. Lui, dont elle voulait faire un homme distingué, se compromettre avec une telle fille ! Quel début ridicule et honteux, quelle fredaine inavouable ! Encore s’il s’était lancé avec une de ces dames !

— Pardieu ! répondit-il tranquillement, si ta bonne amie Suzanne avait voulu, c’est elle qui serait allée à la campagne.

— Oh ! le polisson ! murmura-t-elle, désarmée, égayée par l’idée de voir Suzanne se réfugiant à la campagne avec une rente de douze cents francs.

Puis, une pensée plus drôle lui vint, et oubliant son rôle de mère irritée, poussant des rires perlés, qu’elle retenait entre ses doigts, elle balbutia, en le regardant du coin de l’œil :

— Dis donc, c’est Adeline qui t’en aurait voulu, et qui lui aurait fait des scènes…

Elle n’acheva pas. Maxime riait avec elle. Telle fut la belle chute que fit la morale de Renée en cette aventure.

Cependant Aristide Saccard ne s’inquiétait guère des deux enfants, comme il nommait son fils et sa seconde femme. Il leur laissait une liberté absolue, heureux de les voir bons amis, ce qui emplissait l’appartement d’une gaieté bruyante. Singulier appartement que ce premier