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LES ROUGON-MACQUART

cevoir le ruban bleu de Renée, froissé, oublié sur un coin du divan. Et il s’empressa de le lui apporter, de son air poli. Alors elle sentit toute sa honte. Debout devant la glace, les mains maladroites, elle essaya de renouer le ruban. Mais son chignon était tombé, les petits frisons se trouvaient tout aplatis sur les tempes, elle ne pouvait refaire le nœud. Charles vint à son secours, en disant, comme s’il eût offert une chose accoutumée, un rince-bouche ou des cure-dents :

— Si madame voulait le peigne ?…

— Eh ! non, c’est inutile, interrompit Maxime qui lança au garçon un regard d’impatience. Allez nous chercher une voiture.

Renée se décida à rabattre simplement le capuchon de son domino. Et, comme elle allait quitter la glace, elle se haussa légèrement, pour retrouver les mots que l’étreinte de Maxime lui avait empêché de lire. Il y avait, montant vers le plafond, et d’une grosse écriture abominable, cette déclaration signée Sylvia : « J’aime Maxime. » Elle pinça les lèvres et rabattit son capuchon un peu plus bas.

Dans la voiture, ils éprouvèrent une gêne horrible. Ils s’étaient placés, comme en descendant du parc Monceau, l’un en face de l’autre. Ils ne trouvaient pas une parole à se dire. Le fiacre était plein d’une ombre opaque, et le cigare de Maxime n’y mettait plus même un point rouge, un éclair de braise rose. Le jeune homme perdu de nouveau dans les jupons, « dont il avait jusqu’aux yeux, » souffrait de ces ténèbres, de ce silence, de cette femme muette, qu’il sentait à son côté, et dont il s’imaginait voir les yeux tout grands ouverts sur la nuit. Pour paraître moins bête, il finit par chercher sa main, et,