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LA CURÉE

quand il la tint dans la sienne, il fut soulagé, il trouva la situation tolérable. Cette main s’abandonnait molle et rêveuse.

Le fiacre traversait la place de la Madeleine. Renée songeait qu’elle n’était pas coupable. Elle n’avait pas voulu l’inceste. Et plus elle descendait en elle, plus elle se trouvait innocente, aux premières heures de son escapade, à sa sortie furtive du parc Monceau, chez Blanche Muller, sur le boulevard, même dans le cabinet du restaurant. Pourquoi donc était-elle tombée à genoux sur le bord de ce divan ? Elle ne savait plus. Elle n’avait certainement pas pensé une seconde à cela. Elle se serait refusée avec colère. C’était pour rire, elle s’amusait, rien de plus. Et elle retrouvait, dans le roulement du fiacre, cet orchestre assourdissant du boulevard, ce va-et-vient d’hommes et de femmes, tandis que des barres de feu brûlaient ses yeux fatigués.

Maxime, dans son coin, rêvait aussi avec quelque ennui. Il était fâché de l’aventure. Il s’en prenait au domino de satin noir. Avait-on jamais vu une femme se fagoter de la sorte ! On ne lui voyait pas même le cou. Il l’avait prise pour un garçon, il jouait avec elle, et ce n’était pas sa faute si le jeu était devenu sérieux. Pour sûr, il ne l’aurait pas touchée du bout des doigts, si elle avait seulement montré un coin d’épaule. Il se serait souvenu qu’elle était la femme de son père. Puis, comme il n’aimait pas les réflexions désagréables, il se pardonna. Tant pis, après tout ! il tâcherait de ne plus recommencer. C’était une bêtise.

Le fiacre s’arrêta, et Maxime descendit le premier pour aider Renée. Mais, à la petite porte du parc, il n’osa pas l’embrasser. Ils se touchèrent la main, comme de cou-