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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/204

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LES ROUGON-MACQUART

improductifs, à se contenter d’un revenu de deux pour cent. Renée, toujours pressée d’argent, finit par accepter l’idée d’une spéculation quelconque. Il basa son opération sur la certitude d’une expropriation prochaine, pour le percement du boulevard du Prince-Eugène, dont le tracé n’était pas encore nettement arrêté. Et ce fut alors qu’il amena son ancien complice Larsonneau, comme un associé qui conclut avec sa femme un traité sur les bases suivantes : elle apportait les terrains, représentant une valeur de cinq cent mille francs ; de son côté, Larsonneau s’engageait à bâtir, sur ces terrains, pour une somme égale, une salle de café-concert, accompagnée d’un grand jardin, où l’on établirait des jeux de toutes sortes, des balançoires, des jeux de quilles, des jeux de boules, etc. Les bénéfices devaient naturellement être partagés, de même que les pertes seraient subies par moitié. Dans le cas où l’un des deux associés voudrait se retirer, il le pourrait, en exigeant sa part, selon l’estimation qui interviendrait. Renée parut surprise de ce gros chiffre de cinq cent mille francs, lorsque les terrains en valaient au plus trois cent mille. Mais il lui fit comprendre que c’était une façon habile de lier plus tard les mains de Larsonneau, dont les constructions n’atteindraient jamais une telle somme.

Larsonneau était devenu un viveur élégant, bien ganté, avec du linge éblouissant et des cravates étonnantes. Il avait, pour faire ses courses, un tilbury fin comme une œuvre d’horlogerie, très haut de siège, et qu’il conduisait lui-même. Ses bureaux de la rue de Rivoli étaient une enfilade de pièces somptueuses, où l’on ne voyait pas le moindre carton, la moindre paperasse.