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LES ROUGON-MACQUART

mettre dans l’affaire, comptant profiter de quelque circonstance pour rentrer en possession de cette pièce compromettante. Larsonneau bâtit le café-concert, une construction en planches et en plâtras, surmontée de clochetons de fer-blanc, qu’il fit peinturlurer en jaune et en rouge. Le jardin et les jeux eurent du succès dans le quartier populeux de Charonne. Au bout de deux ans, la spéculation paraissait prospère, bien que les bénéfices fussent réellement très faibles. Saccard, jusqu’alors, n’avait parlé qu’avec enthousiasme à sa femme de l’avenir d’une si belle idée.

Renée, voyant que son mari ne se décidait pas à sortir de la cheminée, où sa voix s’étouffait de plus en plus :

— J’irai voir Larsonneau aujourd’hui, dit-elle. C’est ma seule ressource.

Alors il abandonna la bûche avec laquelle il luttait.

— La course est faite, chère amie, répondit-il, en souriant. Est-ce que je ne préviens pas tous vos désirs ?… J’ai vu Larsonneau hier soir.

— Et il vous a promis les cent trente-six mille francs ? demanda-t-elle avec anxiété.

Il faisait, entre les deux bûches qui flambaient, une petite montagne de braise, ramassant délicatement, du bout des pincettes, les plus minces fragments de charbon, regardant d’un air satisfait s’élever cette butte, qu’il construisait avec un art infini.

— Oh ! comme vous y allez !… murmura-t-il. C’est une grosse somme que cent trente-six mille francs… Larsonneau est un bon garçon, mais sa caisse est encore modeste. Il est tout prêt à vous obliger…

Il s’attardait, clignant les yeux, rebâtissant un coin