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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/207

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LA CURÉE

de la butte qui venait de s’écrouler. Ce jeu commençait à brouiller les idées de la jeune femme. Elle suivait malgré elle le travail de son mari, dont la maladresse augmentait. Elle était tentée de lui donner des conseils. Oubliant Worms, le mémoire, le manque d’argent, elle finit par dire :

— Mais placez donc ce gros morceau-là dessous ; les autres tiendront.

Son mari lui obéit docilement, en ajoutant :

— Il ne peut trouver que cinquante mille francs. C’est toujours un joli acompte… Seulement, il ne veut pas mêler cette affaire avec celle de Charonne. Il n’est qu’intermédiaire, vous comprenez, chère amie ? La personne qui prête l’argent demande des intérêts énormes. Elle voudrait un billet de quatre-vingt mille francs, à six mois de date.

Et, ayant couronné la butte par un morceau de braise pointu, il croisa les mains sur les pincettes en regardant fixement sa femme.

— Quatre-vingt mille francs ! s’écria-t-elle, mais c’est un vol !… Est-ce que vous me conseillez une pareille folie ?

— Non, dit-il nettement. Mais, si vous avez absolument besoin d’argent, je ne vous la défends pas.

Il se leva comme pour se retirer. Renée, dans une indécision cruelle, regarda son mari et le mémoire qu’il laissait sur la cheminée. Elle finit par prendre sa pauvre tête entre ses mains, en murmurant :

— Oh ! ces affaires !… J’ai la tête brisée, ce matin… Allez, je vais signer ce billet de quatre-vingt mille francs. Si je ne le faisais pas, ça me rendrait tout à fait malade. Je me connais, je passerais la journée dans un combat