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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/219

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LA CURÉE

le tapis, d’un gris bleuâtre, était semé de roses pâles effeuillées. Et, aux deux côtés du lit, il y avait deux grandes peaux d’ours noir, garnies de velours rose, aux ongles d’argent, et dont les têtes, tournées vers la fenêtre, regardaient fixement le ciel vide de leurs yeux de verre.

Cette chambre avait une harmonie douce, un silence étouffé. Aucune note trop aiguë, reflet de métal, dorure claire, ne chantait dans la phrase rêveuse du rose et du gris. La garniture de la cheminée elle-même, le cadre de la glace, la pendule, les petits candélabres, étaient faits de pièces de vieux sèvres, laissant à peine voir le cuivre doré des montures. Une merveille, cette garniture, la pendule surtout, avec sa ronde d’amours joufflus, qui descendaient, se penchaient autour du cadran, comme une bande de gamins tout nus se moquant de la marche rapide des heures. Ce luxe adouci, ces couleurs et ces objets que le goût de Renée avait voulu tendres et souriants, mettaient là un crépuscule, un jour d’alcôve dont on a tiré les rideaux. Il semblait que le lit se continuât, que la pièce entière fût un lit immense, avec ses tapis, ses peaux d’ours, ses sièges capitonnés, ses tentures matelassées qui continuaient la mollesse du sol le long des murs jusqu’au plafond. Et, comme dans un lit, la jeune femme laissait là, sur toutes ces choses, l’empreinte, la tiédeur, le parfum de son corps. Quand on écartait la double portière du boudoir, il semblait qu’on soulevât une courte-pointe de soie, qu’on entrât dans quelque grande couche encore chaude et moite, où l’on retrouvait, sur les toiles fines, les formes adorables, le sommeil et les rêves d’une Parisienne de trente ans.

Une pièce voisine, la garde-robe, grande chambre tendue de vieille perse, était simplement entourée de hautes