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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/218

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LES ROUGON-MACQUART

boudoir très petit précédait la chambre à coucher. Les deux pièces n’en faisaient qu’une, ou du moins le boudoir n’était guère que le seuil de la chambre, une grande alcôve, garnie de chaises longues, sans porte pleine, fermée par une double portière. Les murs, dans l’une et l’autre pièce, se trouvaient également tendus d’une étoffe de soie mate gris de lin, brochée d’énormes bouquets de roses, de lilas blancs et de boutons d’or. Les rideaux et portières étaient en guipure de Venise, posée sur une doublure de soie, faite de bandes alternativement grises et roses. Dans la chambre à coucher, la cheminée en marbre blanc, un véritable joyau, étalait, comme une corbeille de fleurs, ses incrustations de lapis et de mosaïques précieuses, reproduisant les roses, les lilas blancs et les boutons d’or de la tenture. Un grand lit gris et rose, dont on ne voyait pas le bois recouvert d’étoffe et capitonné, et dont le chevet s’appuyait au mur, emplissait toute une moitié de la chambre avec son flot de draperies, ses guipures et sa soie brochée de bouquets, tombant du plafond jusqu’au tapis. On aurait dit une toilette de femme, arrondie, découpée, accompagnée de poufs, de nœuds, de volants ; et ce large rideau qui se gonflait, pareil à une jupe, faisait rêver à quelque grande amoureuse, penchée, se pâmant, près de choir sur les oreillers. Sous les rideaux, c’était un sanctuaire, des batistes plissées à petits plis, une neige de dentelles, toutes sortes de choses délicates et transparentes, qui se noyaient dans un demi-jour religieux. À côté du lit, de ce monument dont l’ampleur dévote rappelait une chapelle ornée pour quelque fête, les autres meubles disparaissaient : des sièges bas, une psyché de deux mètres, des meubles pourvus d’une infinité de tiroirs. À terre,