Page:Emile Zola - La Curée.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


V


Le baiser qu’il avait mis sur le cou de sa femme préoccupait Saccard. Il n’usait plus de ses droits de mari depuis longtemps ; la rupture était venue naturellement, ni l’un ni l’autre ne se souciant d’une liaison qui les dérangeait. Pour qu’il songeât à rentrer dans la chambre de Renée, il fallait qu’il y eût quelque bonne affaire au bout de ses tendresses conjugales.

Le coup de fortune de Charonne marchait bien, tout en lui laissant des inquiétudes sur le dénoûment. Larsonneau, avec son linge éblouissant, avait des sourires qui lui déplaisaient. Il n’était qu’un pur intermédiaire, qu’un prête-nom dont il payait les complaisances par un intérêt de dix pour cent sur les bénéfices futurs. Mais, bien que l’agent d’expropriation n’eût pas mis un sou dans l’affaire, et que Saccard, après avoir fourni les fonds du café-concert, eût pris toutes ses précautions, contre-vente, lettres dont la date restait en blanc, quittances données à l’avance, ce dernier n’en éprouvait pas moins une peur sourde, un pressentiment de quelque traîtrise. Il flairait, chez son complice, l’intention de le faire chanter, à l’aide de cet inventaire faux que celui-ci gardait précieusement, et auquel il devait uniquement d’être de l’affaire.

Aussi les deux compères se serraient-ils vigoureusement la main. Larsonneau traitait Saccard de « cher